Il naquit le 27 juillet à Wa-Ryongri Yong-chi Myonchul Na Do, près de Gimje, une ville dans la province du Jeolla du Nord, à l’intérieur de ce qui est l’actuelle Corée du sud. Ce village près des côtes de la Mer jaune, assaillies pendant des siècles par des pirates japonais et chinois.
Cadet d’une famille de six six garçons et d’une fille, son père Hyung Sun, un propriétaire terrien fut maire de Gimje.
Hyung Yee Choi de son nom originel coréen, il utilisa également le nom de Choi Bae-dal. « Bae-dal » signifie l’ancien empire royal de Corée. Il adopta le nom japonais de Masutatsu Oyama lorsqu’il élit définitivement domicile au Japon quelques années plus tard. Nous ne retiendrons officiellement à ce jour que ce nom, en tant que fondateur du style de Karaté « Kyokushin ».
Sa famille appartenait à la classe des « Yangban », signifiant « les deux classes ». Ce fut une haute classe sociale de la Corée antérieure à 1910. D’inspiration confucéenne, elle fut la synthèse entre la classe intellectuelle des « Munban », et la classe guerrière des « Muban ».
Il devait parcourir chaque jour dix kilomètres à pied pour se rendre à l’école. Son école comptait 400 élèves, et des classes de 60 élèves. Il n’était pas très intéressé par les matières enseignées, et préférait l’athlétisme, le football, la pêche, ainsi que nager avec ses amis.
Masutatsu Oyama débuta les arts martiaux lorsqu’il eut neuf ans à l’école avec l’étude du « Chabee » ou « Taiken », art provenant de la période Koryo (918 – 1392). Une combinaison de techniques de jambes et coudes issues principalement des arts de la dynastie déclinante de Silla, et des techniques de mains chinoises.
Durant l’apogée de la période Koryo, cette discipline fut appelée « l’art des 18 techniques », puis naquit « l’art des 36 techniques ». Une synthèse entre les deux systèmes fut ensuite appelée « Chabee ».
C’est ce qui le motiva à se rendre à l’école. Bien que ses frères tentèrent de l’initier à la boxe, il continua ainsi d’étudier le Chabee avec assiduité jusqu’à l’âge de 15 ans.
Chaque été, pour célébrer le temps des récoltes, une compétition de « Shirum » (lutte traditionelle coréenne) fut organisée avec des lutteurs de tout le pays. Nombre d’entre-eux vinrent du nord de la Corée. Depuis quelques années un homme du sud au physique très puissant, domina totalement la compétition. Le jeune Masutatsu Oyama eut une grande fascination pour ce champion, à tel point qu’il le suivit tout au long du tournoi.
Ce dernier avait pour habitude de défier la foule après sa victoire finale. Comme personne ne releva le défi, il devint plus arrogant. Soudainement un frêle home d’une quarantaine d’années se présenta pour accepter le défi. Masutatsu le connaissait, il s’agissait de Mr Yi, un employé agricole travaillant dans la ferme de sa soeur, et originaire du nord.
Lorsque le lutteur s’approcha de Mr Yi, pensant obtenir une victoire facile, il reçut un terrible coup de poing, puis d’autres s’ensuivirent. Il tomba plusieurs fois, et fut finalement transporté inconscient à l’hôpital.
Masutatsu Oyama finit par convaincre Mr Yi de l’entraîner au Chabee pendant deux années, et cela jusqu’à la fin de son contrat de travail à la ferme. Il devint tellement fort pour son âge, que les enfants aînés de cinq années finirent par le craindre. Il aida souvent avec succès ses amis impliqués dans des bagarres, que ces derniers le surnommèrent « le petit patron ».
Lorsque Mr Yi eut fini son contrat et s’en alla, Masutatsu Oyama fut tourmenté, et devint très dissipé en classe.
Un jour lors d’un jeu, il envoya une pierre qui frôla la jambe de la plus jolie fille du village. Cette dernière se plaignit, il la suivit en imitant sa façon de marcher, puis il la ceintura et la souleva devant ses camardes hilares. Son père apprit la nouvelle et le frappa avec sa longue pipe en cuivre, puis lui attacha les mains derrière le dos. Il lui donna ensuite plusieurs coups de pieds, avant le l’enfermer dans un cabanon qui servait d’entrepôt.
Il était étendu dans le noir percevant encore les cris de son père. Il décida qu’il allait changer au point que son père n’aurait plus jamais quelque raison de le punir. Il ne pleura que lorsque sa mère vint lui délier les mains en lui parlant avec douceur.
Cet épisode ne changea en rien la situation, lorsqu’il fut envoyé à treize ans au Lycée à Séoul. Il continua à se battre et eut également des problèmes avec la police.
Il fut boulversé par une biographie du Chancelier Otto von Bismarck (1815 – 1898), qui était parvenu à réunifier l’Allemagne en 3 ans, ainsi que par un ouvrage du 1er ministre anglais Benjamin Disraeli (1804 – 1881).
Son désir de changer profondément, et de devenir le Bismarck de l’Orient fit qu’il partit pour Tokyo à l’âge de teize ans.
On ne sait pas exactement s’il fut envoyé par ses parents au Japon en 1937, ou s’il partit de sa propre initiative comme il le dira plus tard lui-même dans son livre « La voie du Kyokushin ». Il est important de souligner le contexte historique mouvementé de l’époque pour mieux comprendre les conditions de son exil.
Le Japon remporta successivement deux victoires sur la Chine et la Russie.
Ainsi, la Chine reconnut l’indépendance de la Corée le 17 avril 1895 par le traité de Shimonoseki.
Les russes capitulèrent sur l’île de Sakhaline, et signèrent avec les japonais le Traité de Portsmouth le 5 septembre 1905.
Le 8 octobre 1895, la reine pro-russe Minbi de Corée fut assassinée. On attribua cet acte aux Ministère de la Guerre japonais, avec le concours des Yakuzas. La Corée fut ensuite annexée par le Japon en 1910. Cela marqua la fin de la dynastie Choson, la plus longue que notre monde ait connu.
Le Japon promulgua successivement plusieurs décrets impériaux, qui visèrent à imposer l’apprentissage du japonais à l’école, ensuite le coréen fut supprimé du programme d’éducation en 1939. Le slogan de l’un d’eux fut : « Japon et Corée, un seul corps ». Des linguistes patriotes rédigèrent un dictionnaire coréen, une grammaire nationale, ainsi qu’une phonétique. Nombre d’entre-eux furent mis en prison pour activités anti-japonaises. Les coréens furent contraints de porter des noms japonais, faute de quoi ils ne purent jouir de leurs droits de citoyen. L’enseignement de l’allemand fut également largement diffusé dans les lycées corréens vers la fin de l’occupation japonaise.
Malgré cette résistance bien présente, une génération fut indubitablement influencée par cette propagande. Nombre de jeunes coréens furent enrôlés sans difficultés dans l’armée japonaise.
D’autre part, les confiscations foncières ainsi que l’appauvrissement général de la population induisit un massif exode rural de coréens vers le Japon, voir la Mandchourie. Ces derniers furent principalement exploités par l’industrie nippone. L’objet de ce site ne porte pas sur les relations historiques entre le Japon et la Corée. Toutes les guerres comportent des actes horribles, ainsi qu’héroïques dont je laisse le soin aux historiens d’en établir les faits. C’est au contexte général de l’époque que mon développement s’arrête.
Mas Oyama fut donc accepté dans une école de l’armée de l’air japonaise à Yamanashi, située au sud-ouest de Tokyo.
Etudiant la mécanique, il quitta cet établissement sans achever sa formation pour des raisons inconnues après quelques années.
Il erra dans les rues de Tokyo sans avoir la possibilité de louer une chambre. Il ressentit le fait d’être un coréen indésirable dans un pays qui n’était pas le sien. Il put finalement louer une chambre à une famille de coréens ayant pitié de lui dont le nom japonais était Oyama (qui signifie grande montagne, tout un symbole… !). C’est à ce moment qu’il décida de changer son nom coréen de Hyung Yee Choien Masutatsu Oyama. Ce fut une démarche courante à cette époque pour un coréen immigré de prendre un nom japonais. Les deux fils de cette famille (Shigeru et Yasuhiko) devinrent ses disciples, et développèrent bien plus tard le Kyokushin aux Etats-Unis.
Il étudia Karaté parallèlement le Karaté à l’Université de Takushoku avec Gichin Funakoshi, obtint son premier dan à 15 ans, puis le deuxième dan à 18 ans. Parallèlement il étudia le Judo, et à nouveau la boxe.
Il continua pendant deux ans au sein du dojo de Zoshigaya dans le Minami-Ikebukuro, où Funakoshi fils, Yoshitaka dit « Giko » officiait les cours.
Il travailla dûrement entre l’âge de 15 et 18 ans, en charge de l’intendance d’une cafétéria d’étudiants. Ce boulot lui permettait notamment de manger à sa faim conséquement à son activité physique.
Un jour il nettoya le lieu de fond en comble, jusqu’à même enlever la fine pellicule de graisse enrobant les casseroles, si chère aux cuisiniers. Le chef cuisinier mécontent le frappa sur la tête avec une casserole. Ils finirent malgré tout dans les meilleurs termes. Le responsable de la cafétéria, impressionné par son assiduité au labeur lui dit un jour : « Tu vas aller loin Oyama ! ».
Entre 1941 et 1942, il fit la rencontre de Neichu So (Hyung Ju Cho en coréen), un immigré du pays du matin calme qui venait de la même province que lui.
Ce dernier s’était entraîné sous la direction de Chojun Miyagi, puis devint l’un des meilleurs élèves de Gôgen Yamaguchi. Il fut professeur de Karaté Goju Ryu dès 1939, et enseigna ce style à Masutatsu Oyama pendant 2 ans.
Neichu So était un homme doté d’une musculature imposante, et marqué par une grande spiritualité. Il faisait partie de la secte bouddhiste Nichiren (le mot « secte » n’a ici pas de connotation péjorative), et influenca fortemement Masutatsu Oyama.
Il ne fut pas influencé par la spécificité théologique totalement réformatrice et iconoclaste lancée par le moine Nichiren. Il releva simplement que les arts martiaux combinés à la religion bouddhiste ne peuvent qu’élever la spiritualité de l’homme. Masutatsu Oyama cita également à maintes reprises des Maîtres bouddhistes issus de différents courants du Zen.
En s’entraînant au Goju-ryu, Masutatsu Oyama fit également la rencontre de Masahiko Kimura. Ce dernier, champion de Judo qui se fit battre par le pionnier du Jujitsu brésilien Hélio Gracie en 1951. Kimura le batit à son tour quelques semaines plus tard.
Kimura introduit Oyama dans le dojo Sone de Nakano à Tokyo. Masutatsu Oyama s’entraîna également au Judo avec lui pendant quatre années.
Alors qu’il affirma s’être porté volontaire pour les commandos « kamikazes » ou « tokkôtai », là où une mort certaine l’attendait, se produisit la déclaration de Postdam et la capitulation du Japon. Il est à noter qu’il exista quelques pilotes kamikazes d’origine coréenne. Bien qu’ils furent très rares, il existe un documentaire notamment sur Tak Kyung hyun, alias Fumihiro Mitsuyama.
Au lendemain de la Guerre, le pays fut plongé en plein chaos, et la population manqua de tout.
Masutatsu Oyama était alors 4ème dan de Karaté, et décida de rejoindre un gang où il exerca la fonction de garde du corps.
Ce type de compétence était assez prisée et lui permettait de vivre dans l’opulence au sein d’un pays dévasté. Il avait été profondémment boulversé par la chute du Japon. Déboussolé il ne voyait pas d’avenir pour lui à long terme. Le luxe et les plaisirs faciles donnèrent un goût de morosité à sa vie. Les bagarres avec des officiers américains le rassuraient dans le fait qu’il n’avait pas accepté la défaite. Il regretta plus tard ce type d’existence débauchée.
Il avait pour habitude de défendre les femmes japonaises face à des soldats américains un peu trop entreprenants.
Comme il était difficile à mener, seule la Police militaire ou la police japonaise fut capable de le retenir.
Plusieurs soldats américains dirent ironiquement que c’était une chance que le Japon n’eut pas plus d’hommes de cette trempe, faute de quoi les Etats-Unis auraient perdu la guerre.
Au lendemain de la reddition, on peut supposer une double amertume envahir cet immigré coréen d’alors. Son pays d’origine tel qu’il l’avait quitté n’était plus lié ni dominé par le Japon, mais demeurait malheureusement partagé en deux zones d’occupation l’une soviétique et l’autre américaine. La patrie d’adoption dans lequel il avait investit toute son existence se trouvait totalement exsangue.
Neichu So lui fit un jour la morale, et lui exposa en substance : « Je t’ai enseigné tout ce que je savais, et tu es à présent meilleur que moi. Tu représentes toi-même une arme redoutable. Si tu continues cette vie mêlée aux gangsters, dans le stupre, le risque et la luxure, tu finiras pour longtemps au fond d’une prison ou criblé de balles. Ainsi je te conseille de te retirer dans un temple, et de faire le point sur le sens de ton existence ».
Un jour il infligea une correction à des soldats américians. Ces derniers avaient pris des marchandises sans payer d’un marché du district d’Omori.
Enfermé seul dans une prison d’occupation après avoir assommé un officier américain qui l’aurait également provoqué, il repensa aux ces paroles de Neichu So, et comprit alors que sa vie devait être consacrée au Karaté.
Dès sa sortie de prison Masutatsu Oyama se rendit au temple de Kuon sur le Mont Minobu fondé par le moine Nichiren Shonin (1222 - 1282) fondateur du Bouddhisme Nichiren. C’est également le lieu où le célèbre samouraï Miyamoto Musashi mit au point les fameuses techniques de Nito-ryu où l’on utilise simultanément deux sabres.
Il existait vraissemblablement un risque pour sa vie de rester à Tokyo. Il consacra son temps pendant trois mois à couper du bois et effectuer d’autres travaux ménagers.
De retour à Tokyo on lui présenta un certain Ozawa, homme politique du moment particulièrement influent. Ce dernier lui conseilla de partir pendant une année dans la montagne afin de s’entraîner, en lui garantissant son soutient financier.
Un article sur la vie de Maître Oyama publiée dans le magazine « Bushido » de mars 1986, fait référence à Tenshichiro Ozawa.
Bien qu’il n’existe en japonais que le prénom de Denshichiro, je n’ai trouvé aucune trace de ce dernier, à l’exception d’un homme politique dénommé Tatsuo Ozawa, né en 1917. Je ne sais donc pas si c’est ce dernierqui financa cette retraite.
Masutatsu Oyama partit donc à 23 ans sur le Mont Kiyosumi en compagnie de son élève Yashiro, dans l’objectif d’y passer trois années, ravitaillés par un ami, M. Kayama.
Le Mont Kiyosumi est une montagne de 383 mètres sur laquelle Shonin Nichiren âgé de 12 ans atteignit le sommet accompagné de son père, le 12 mai 1233. Il fut ordonné moine en 1239 et fonda par la suite le Bouddhisme Nichiren.
C’est aux abords du temple de Kiyosumi-dera (Seicho-ji) que Masutatsu Oyama vécu dans une cabane de garde en ruine , et se rasa un sourcil pour éviter de retourner précocément à la civilisation.
Il emporta un livre sur Miyamoto Musashi, écrit par Eji Yoshikawa qu’il rencontra peu avant son départ.
Il put ainsi approfondir les principes du code du Bushido.
Un programme ascétique fut mis en place : méditation sous une cascade d’eau froide, endurcissement du corps par des frappes contre des arbres, et des cailloux, katas répétés cent fois et autres exercices de Karaté pendant six à sept heures d’entraînement quotidien. Après six mois, Yashiro s’enfuit pendant la nuit. Afin de pallier la solitude nocturne Masutatsu Oyama s’efforcait de se concentrer sur la flamme d’une bougie en répétant des sutras, ou lire sur des papiers les yeux mi-clos les termes « calme », et « action » accrochés au mûr de sa cabane. Il eut parfois des hallucinations, prenant des bruits pour des êtres humains, alors qu’il s’agissait d’animaux. Il se faisait traiter de « Tengu » (homme-oiseau des montagnes dans la mythologie japonaise) par les enfants des environs qui le croisaient dans la forêt.
Ozawa fut ensuite impliqué dans une affaire de corruption. M. Kayama annonca donc à Masutatsu Oyama qu’il ne pouvait plus continuer à l’approvisioner. Il fut contraint à abandonner son ascèse au bout de quatorze mois.
Édité le 03.04.2013